L’EXTRAVAGANCE AU SERVICE DE LA REPUBLIQUE

Le banquet des Maires – Épisode 2 : Les grandes soirées qui ont marqué l’Histoire

La Belle Époque : une ère de grandeur et d’innovation

En 1900, Paris vibre au rythme de l’Exposition Universelle. Le gigantisme s’impose dans la capitale avec la construction du Petit et du Grand Palais, ou encore du pavillon de la Russie, surnommé le "Kremlin du Trocadéro".

La première ligne de métro (Porte Maillot – Château de Vincennes) voit le jour, facilitant l’accès au Bois de Boulogne, où se dérouleront les Jeux Olympiques de l’ère moderne.

Une innovation étonnante : le trottoir roulant de 3,5 km, permettant de faire le tour des sites de l’Exposition en 26 minutes.

Les gares d’Orsay, des Invalides et de Lyon sont inaugurées pour accueillir plus de 50 millions de visiteurs.

Dans ce contexte de modernité et de faste, Alberto Santos-Dumont, pionnier de l’aviation, survole Paris aux commandes de son dirigeable et s’émerveille :« Le monument qui m’a le plus impressionné, ce sont les tables du banquet des maires. »

Pourquoi organiser le banquet des maires ?

À cette époque, Emile Loubet, Président de la République (1899-1906), cherche à rassembler la nation. Son mandat est marqué par :

L’affaire Dreyfus, dont il accorde la grâce en 1899, déclenchant l’hostilité de certains opposants.
Une tentative de coup d’État la même année, dans un climat de tensions nationalistes.

Il décide alors de profiter de l’Exposition Universelle, inaugurée le 15 avril 1900, pour réunir les maires de France. L’objectif ? Renforcer l’unité nationale en leur transmettant l’idée que la République assure la puissance politique, militaire, industrielle et économique de la France.

Une tradition républicaine : Il s’inspire des grands banquets républicains organisés depuis 1847 par les partisans d’une réforme électorale.

Le 22 septembre 1900, jour anniversaire de la proclamation de la Première République (1792), il convie près de 30 000 maires de métropole et des colonies. Finalement, 22 965 maires répondront présents pour ce déjeuner hors norme.

Une organisation quasi militaire

Un défi colossal : servir 22 965 convives en moins d’1h30 ! ⏳

Pour orchestrer cet événement titanesque :

Un général de brigade supervise le banquet, circulant en automobile De Dion-Bouton.
Six coursiers à vélo assurent la transmission des ordres.
11 chefs de renom dirigent 11 cuisines, épaulés par 220 chefs de partie et 400 cuisiniers.
2 150 maîtres d’hôtel, en habit et gants blancs, assurent un service d’une précision exemplaire.
Un livret de consignes est remis à chaque membre du personnel pour garantir une exécution parfaite.

Une logistique impressionnante

📍 Lieu : Jardin des Tuileries

Deux immenses tentes couvrent 7 km de tables.

Disposition des maires : un vestiaire les place par ordre alphabétique des départements.

Quelques chiffres vertigineux

10 km Nappes molletonnées
700 Tables
125 000 Assiettes décorées
170 000 Couverts (fourchettes, couteaux, cuillères)
126 000 Verres

Le Président Loubet préside l’événement, mais l’histoire ne dit pas comment 22 965 maires ont pu entendre son discours !

Au menu : un festin républicain

Les plats sont froids, facilitant le service rapide. Un tour de France gastronomique est proposé, mettant à l’honneur des produits d’exception.

Les chiffres sont tout aussi impressionnants :

2 000 kg de saumon
1 430 faisans
2 500 poulardes
1 200 litres de mayonnaise
10 000 pêches
1 000 kg de raisin
3 000 litres de café

Et côté vins ?

39 000 bouteilles, dont 1 500 de Fine Champagne, 3 000 litres de "gros rouges" pour le personnel

À vous de calculer combien de bouteilles cela représente par participant…

Des animations pour divertir les convives

L’attente entre les plats doit être agréable. Pour cela, la Comédie-Française et l’Académie Nationale de Musique et de Danse offrent un spectacle grandiose. L’orchestre de l’Opéra joue en continu. Imaginez 22 965 maires entonnant la Marseillaise en chœur !

Un souvenir d’exception

Comme toute grande réception, un cadeau souvenir est offert aux invités. Chaque maire repart avec une médaille en bronze personnalisée, créée par Frédéric de Vernon, célèbre médailleur de l’époque.

Elle arbore les symboles de la République, notamment Marianne servant du vin.

Un objectif atteint

Une fois le banquet terminé, le Président Loubet se promène à travers les allées sous les applaudissements des maires, fièrement drapés de leur écharpe tricolore.

La presse loue le succès de cet événement historique, bien que certains opposants politiques critiquent son coût.